"Les 3 obstacles qui freinent l’adoption de l’IA dans le tourisme" – Entretien avec Erwan Simon, CEO de Genial
INTERVIEW - À la tête de Genial, Erwan Simon conçoit des solutions d'IA. Il nous partage son parcours, ses projets récents et sa vision de l’IA au service de l'expérience voyageur.
Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Erwan Simon, CEO de Genial, une entreprise spécialisée dans les solutions d’intelligence artificielle. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois il y a un an, à l’IFTM, où Erwan lançait ses premiers projets touristiques, notamment un moteur d’inspiration basée sur l’IA pour la Martinique. Depuis, Genial a poursuivi son développement et a récemment remporté le prix du jury au Startup Orchestra.
Dans cet échange, nous allons explorer ensemble l’impact de l’IA sur l’expérience des voyageurs, les applications concrètes de cette technologie pour les acteurs du tourisme et les perspectives pour l’avenir de notre secteur.
C’est parti !
Nicolas : On voit que l’IA transforme beaucoup de secteurs, et plusieurs projets ont été lancés dans le tourisme. Pourtant, tu mentionnais récemment que seulement 3 % des acteurs touristiques utiliseraient l’IA dans leur structure. Ce chiffre semble très bas, peux-tu nous en dire plus et nous donner ton avis sur cette adoption ?
Erwan : On constate en fait 3 niveaux de blocages principaux dans l’adoption de l’intelligence artificielle dans le secteur. Environ 3 % des acteurs arrivent à un usage vraiment "industrialisé". Bien sûr, beaucoup plus de personnes utilisent ChatGPT de manière ponctuelle, dans leur quotidien, pour diverses tâches. Mais la vraie question, c’est : comment industrialiser concrètement son usage, à la fois pour les équipes internes et pour les voyageurs ?
Le premier obstacle, c’est la question des données. ChatGPT, aujourd’hui, se limite aux données de 2023. Or, dans le secteur du tourisme, la donnée essentielle est celle qui est constamment actualisée. Quand il s'agit de réservations ou d'activités à faire sur un territoire, on a besoin d'informations en temps réel. Mais les systèmes d’information touristique, et autres sources de données actualisées qu’on peut trouver sur Internet, ne sont pas directement intégrés dans ChatGPT. Donc, pour les entreprises ou les acteurs publics, ça crée un frein : il faut d'abord connecter, par exemple, une base de données comme Apidae à l’IA avant de pouvoir envisager un chatbot d’information. Ce blocage lié à la donnée est pourtant un sujet relativement simple à résoudre, et plusieurs acteurs y sont déjà parvenus sans trop de difficultés. On parlait récemment de Provence Tourisme ou de Kaysersberg, qui ont tous deux franchi cette étape avec succès.
Le deuxième blocage est d’ordre culturel, lié au management du changement. Il faut que les équipes comprennent que l’IA est un outil supplémentaire qui peut améliorer leur quotidien, que ce soit pour la qualité de vie au travail ou pour l’accueil des voyageurs. L’idée, c’est d’éviter qu’elles se braquent face à cette solution, un peu comme on l’a vu à l’époque de l’arrivée du digital, il y a une vingtaine d’années. Donc, il y a un vrai enjeu d’adoption en interne.
Enfin, le troisième blocage, c’est la création de valeur. Comment éviter de lancer des projets gadgets et se concentrer sur des projets qui apportent une réelle plus-value, tant pour les équipes que pour les voyageurs ? C’est essentiel pour garantir que les projets aient un impact tangible et ne soient pas perçus comme de simples expérimentations sans effet concret.
Voilà les 3 principaux obstacles que nous devons surmonter pour passer à des projets concrets et mis en production. Et c’est justement la persistance de ces 3 facteurs qui explique le retard dans l’adoption de l’IA générative dans le secteur : ces points de blocage sont encore bien ancrés dans l’écosystème.
Le chatbot KLIA à Kaysersberg pour simplifier les demandes récurrentes
Tu mentionnais quelques projets menés dans le tourisme, est-ce que tu pourrais nous en dire plus sur KLIA, le chatbot de l’office de tourisme de Kaysersberg ? Comment ce projet a-t-il été mis en place et comment ça s’est passé ?
C'est un super projet qu'on a pu mener avec Christophe Bergamini1 et ses équipes. Dès le départ, Christophe avait cette envie de répondre aux nombreuses demandes récurrentes que reçoit leur office de tourisme. Il s’agit de questions répétitives, qu’elles arrivent via le site internet ou par téléphone, et il y a parfois des pics de demande à certains moments où on pourrait faciliter l'accès à l'information.
Ils utilisent Zendesk, et les équipes répondent actuellement à ces questions, mais la vraie valeur ajoutée pour elles n'est pas dans ces réponses répétitives. Ce qui compte, c'est que les visiteurs obtiennent une réponse immédiate. Donc, le projet qu’on a monté avec lui et ses équipes, c'était vraiment de voir comment on pouvait simplifier la gestion des questions les plus fréquemment posées.
On a d’abord travaillé sur le cadrage du projet pour définir l'ambition de KLIA. On a voulu personnifier cet agent pour qu'il soit bien présenté sur le site. Ensuite, on a analysé les données les plus importantes et décidé comment intégrer leurs données, issues du système d'information touristique LEI2. On a branché ces données à une liste de questions fréquentes pour créer un agent IA capable de répondre avec précision.
Ce qui est intéressant, c’est que dans les équipes, il y avait naturellement un peu de scepticisme au début, des doutes sur la capacité de l’IA à bien gérer ce type de demande. Lors de la conception de l'agent, il y a eu une première version avec un taux de pertinence et de qualité autour de 70 à 80 %. Ensuite, il y a eu un temps de perfectionnement qui a duré entre un et deux mois, jusqu’à ce que les équipes considèrent que la qualité des réponses était vraiment au niveau attendu.
KLIA permet aussi, lorsqu’elle donne une réponse, d’offrir aux utilisateurs l’option de cliquer sur "Je veux parler à quelqu'un" si le niveau de satisfaction n'est pas atteint. Ce lien redirige vers les équipes quand l'office de tourisme est ouvert. Finalement, on a réussi à intégrer KLIA avec leurs outils existants, comme Zendesk, en permettant aux équipes de se concentrer sur les questions plus complexes, là où les conseillers en séjour sont vraiment attendus pour leur expertise.
L’intelligence artificielle suscite parfois aussi des craintes, notamment sur la question de l’emploi. Comment les équipes de l’office de tourisme ont-elles accueilli et intégré l’IA ?
Dans toutes les entreprises on a d’abord tendance à voir les risques avant d’identifier les opportunités. Mais dans les faits, quand les équipes ont pu tester l’IA par elles-mêmes, on voit bien qu’elle reste un outil, et un très bon outil quand on sait l’utiliser. Une fois que les équipes ont eu l'occasion de se familiariser avec, elles ont pu identifier là où l’IA apporte réellement de la valeur et là où elle en apporte beaucoup moins. Cela aide à dissiper une partie des inquiétudes.
Ensuite, il y a aussi un état d’esprit pionnier, d’innovation et de précurseur. En général, on sait que le marché est composé de 20 à 30 % d’acteurs qui veulent se lancer en premier, qui veulent expérimenter et être parmi les premiers à adopter ces nouvelles technologies. C’est le cas de Kaysersberg, de Provence Tourisme, de Charentes Tourisme, ou encore d’Atout France avec qui nous avons travaillé sur le projet Marianne.
Environ 50 % des acteurs adoptent une approche plus prudente, préférant attendre que les autres aient fait leurs preuves avant de se lancer, ce qui est compréhensible. Enfin, il reste les 20 à 30 % les plus réfractaires, qui auront du mal à adopter l’IA, un peu comme ils ont eu des difficultés à passer au digital.
Au final, le choix stratégique, c’est de travailler avec ceux qui sont prêts à expérimenter et à prendre quelques risques sur les premiers usages, même si cela implique parfois de faire face à des obstacles. Ces pionniers bénéficient aussi de leur prise de risque, que ce soit en termes de visibilité, de qualité de service, ou de tout ce que l’IA peut leur apporter.
Usage des chatbots : adoption, chiffres-clés et limites
Parlons un peu de l’expérience utilisateur côté grand public. As-tu des chiffres sur l’usage actuel de ces chatbots ? J’ai l’impression que leur utilisation reste encore assez limitée, non ?
Oui, l’usage reste encore limitée. Un chatbot, aujourd'hui, pour la plupart d’entre nous, c’est surtout utile pour répondre à des réclamations, à des questions fréquentes (FAQ), ou à des problèmes spécifiques. Sur n'importe quel site internet, l’usage d’un chatbot reste modeste : en général, seuls 2 à 8 % des visiteurs l’utilisent, ce qui génère un nombre raisonnable de tickets à traiter.
Il ne faut pas se dire qu'en créant un chatbot basé sur l’IA générative, on va automatiquement atteindre 50 % d’utilisation. Ce n’est pas réaliste. Par contre, si 5 % de mon trafic représente, par exemple, 2 000 à 5 000 demandes par mois et que j’ai du mal à les traiter en temps voulu, disons en moins de 48 heures, alors là, l’IA peut vraiment m’aider. Elle permettra de mieux gérer ces demandes et de répondre plus rapidement aux visiteurs.
Mais il ne faut pas s’attendre à ce que l’IA change radicalement l’utilisation d’un chatbot. Quelqu'un qui vient sur un site internet pour chercher une information va en général utiliser le moteur de recherche ou naviguer via le menu. Si l’on souhaite réellement faciliter la navigation, il serait plus pertinent d’intégrer l’IA dans le moteur de recherche du site. Là, on pourrait effectivement répondre immédiatement aux questions posées par 50 à 70 % du trafic, avec des réponses personnalisées et pertinentes.
En fait, il ne faut pas attribuer à l’IA plus de "pouvoir" qu’elle n’en a réellement. Un chatbot reste un chatbot, avec ses usages limités. Aujourd'hui, le moteur de recherche reste le principal outil utilisé sur les sites, et c'est peut-être là que l'IA pourrait apporter le plus de valeur.
Est-ce que tu observes des usages différents de ces chatbots en fonction des besoins des visiteurs ?
Oui, on observe bien des usages différents selon les besoins. Si je prends l’exemple des chatbots KLIA pour Kaysersberg et MIA sur le site MyProvence, leur utilisation initiale n'était pas la même.
Pour KLIA, l'objectif était de répondre rapidement à des demandes immédiates, accessibles 24h/24, 7j/7, et dans toutes les langues, directement sur le site. En revanche, pour Provence Tourisme, avec le chatbot MIA sur MyProvence, les besoins étaient un peu différents. Près de la moitié des visiteurs du site viennent aujourd'hui sur la section agenda pour savoir quoi faire, avec plus de 1 000 à 1 200 fiches d’activités qui sont actualisées quotidiennement.
Quand un visiteur se demande "Que faire dans les Bouches-du-Rhône ce week-end ?", naviguer dans un moteur de recherche classique pour trouver, par exemple, une activité gratuite, accessible aux enfants, adaptée aux personnes handicapées, et orientée sport, peut être complexe. C’est là où MIA est particulièrement bien adaptée : elle peut répondre à des demandes très précises et faire correspondre les critères de l’utilisateur avec les données touristiques actualisées chaque jour.
Donc, on a bien deux usages différents ici. Dans les deux cas, le choix de l'expérience utilisateur s'est porté sur un chatbot, mais l'IA est capable d'adresser des besoins utilisateurs assez distincts.
Quand on met une IA en contact direct avec le client via un chatbot, il y a toujours un risque (manque de pertinence, réponses inexactes…), ce qui pourrait avoir nuire à l’image d’une destination. Sans entrer dans les détails techniques, comment faites-vous pour limiter au maximum ce risque ?
Comme pour tout risque de non-conformité – un peu comme dans une usine quand on rencontre des problèmes de qualité – il y a deux manières de le gérer.
La première concerne la donnée : on a pour habitude de connecter l’agent IA aux données de l’acteur concerné, que ce soit ses propres données ou celles de partenaires, afin qu’elles soient constamment à jour. Cela implique des branchements permettant d’avoir des données en temps réel. Mais ça, je dirais que c’est un prérequis évident.
Le deuxième aspect, c’est le contrôle qualité. Dès lors qu'on simplifie le traitement des questions résolues en allégeant le nombre d’appels et en facilitant l'accès à l'information, le contrôle qualité se fait via le suivi des conversations par les équipes. Pourquoi ? Parce qu'à chaque fois qu'un utilisateur pose une question à un agent IA, les équipes peuvent consulter l'ensemble des échanges. Ce qui est intéressant, c’est que, généralement, un utilisateur ne pose pas qu'une seule question. En moyenne, on observe entre 6 et 8 questions posées par une même personne, car elle vient souvent avec un besoin précis et cherche à affiner sa demande. Par exemple, si elle cherche des activités à faire à Marseille ce week-end, elle va poser des questions successives pour affiner les options.
Ce suivi permet un contrôle qualité continu : si une réponse donnée par l’IA n’est pas satisfaisante, les équipes peuvent l’annoter en indiquant, par exemple, "la prochaine fois, réponds plutôt de cette manière". C’est là que l'expertise humaine prend tout son sens, car elle permet d'améliorer le système en fonction des cas concrets.
Ce processus qualité, mis en place comme dans toute entreprise soucieuse d’améliorer la pertinence de ses réponses, garantit un meilleur taux de satisfaction et une information toujours plus précise.
Le Skift3 a récemment publié un rapport dans lequel on apprend que 37 % des voyageurs auraient utilisé l’IA et qu’ils en seraient globalement satisfaits. De ton côté, as-tu des données sur l’usage réel de vos outils IA ? Et sans langue de bois ni discours commercial stp :) (rires)
Aujourd'hui, sur des gros volumes et avec les tests A/B que nous avons réalisés avec de grands opérateurs e-commerce, on a pu analyser trois scénarios. D'abord, il y a le "vieux chatbot", comme on l'appelle, basé sur un arbre de décision. Il faut paramétrer les scénarios et anticiper les questions. Autrement dit, il faut que l’utilisateur pose une question prévue à l’avance pour que le chatbot fonctionne correctement. Si la question n’a pas été anticipée, ça déraille souvent, et cela rend l’expérience compliquée.
Le deuxième scénario, c'est celui où l'utilisateur interagit avec une IA. Le troisième, c'est l'option de parler directement à un humain. En termes de qualité perçue, quand on donne aux gens le choix entre parler à une IA ou à une personne, on constate qu’entre 40 et 50 % des utilisateurs préfèrent interagir avec l’IA. Donc l’adoption est déjà assez conséquente. Le chiffre de 37 % que tu mentionnais est d'ailleurs assez proche de ce qu'on a observé : environ 40 à 50 % des utilisateurs choisissent l’IA.
En ce qui concerne le taux de satisfaction des réponses, l’IA générative affiche des résultats 3x meilleurs que ceux des vieux chatbots. Cela signifie que, dans 2 ans, les vieux chatbots basés sur des arbres de décision seront probablement obsolètes. La plupart des opérateurs avec des sites internet vont migrer vers l'IA générative, car elle multiplie par 3 la satisfaction des utilisateurs.
Par ailleurs, si on compare l’IA générative avec un échange avec un humain, on obtient déjà des taux de satisfaction équivalents. Ça, c’est une vraie surprise. De plus, l’IA permet de répondre dans toutes les langues et à toute heure : le dimanche, le samedi soir, ou même le lundi à minuit. Cet avantage, bien que difficile à quantifier, joue aussi un rôle important dans la satisfaction client.
En somme, l'IA générative est déjà au niveau en termes de satisfaction. Et bien sûr, dans ces chatbots, il y aura toujours un bouton "Je veux parler à quelqu'un". Si l’IA ne peut pas répondre adéquatement, il faut toujours donner aux utilisateurs la possibilité de parler à une personne, ou bien de laisser leur email pour obtenir une réponse dès que possible.
On voit qu’il est important de toujours offrir une porte de sortie et d’être transparent sur l’utilisation de l’IA. Je crois que c’est d’ailleurs une exigence de l’IA Act. Dans le cas d’un chatbot, vous le faites systématiquement ?
Je pense qu'il est toujours important de rappeler que l'IA peut faire des erreurs. Lorsqu'on traite des informations critiques, il est essentiel de vérifier ces informations. C'est un sujet qu'on aborde souvent avec l'industrie : ce qui est nouveau avec l'IA, c'est que le robot, l'ordinateur, peut désormais faire des erreurs de manière autonome. Avant, lorsqu'il y avait un bug, on pouvait en général retracer l’erreur jusqu’à un problème de programmation, une erreur humaine qui avait provoqué ce bug.
Aujourd'hui, l'IA fait des erreurs, un peu comme chacun de nous peut en faire dans son travail. Il faut simplement en être conscient et l’intégrer dans nos processus de contrôle qualité, pour s'assurer que ces erreurs soient détectées et corrigées au plus tôt.
Faire face aux évolutions constantes des outils IA
Les outils IA évoluent très vite, si on prend ChatGPT on a eu récemment la sortie de la version 4o, o1-preview… Comment faites-vous pour rester à jour avec à ces évolutions constantes, sans risquer de vous faire dépasser ? Et comment anticiper le fait que ces outils proposeront peut-être un jour des solutions métiers accessibles à tous et sur des créneaux sur lesquels vous vous positionnez ?
C’est clair que faire de la veille sur l’IA, c’est un travail à plein temps. Chez nous, on est une équipe de passionnés du sujet, donc on a vraiment ce goût pour suivre l’actualité et découvrir les nouveautés. Il y a déjà cette culture de la veille en interne, et on aime beaucoup partager les évolutions avec nos clients. Par exemple, quand un nouveau modèle comme GPT-4 sort, on les informe sur ce qu’il apporte de plus par rapport aux versions précédentes.
Pour nous, il y a un aspect "naturel" à vouloir rester à jour. Mais là où ça devient pertinent pour nos clients et pour notre rôle de conseil, c'est de pouvoir leur dire ce qui est possible de faire, et ce qui ne l'est pas encore, dans leurs cas d'usage spécifiques. Pendant longtemps, un cas d'usage qui revenait souvent était la gestion des plannings et des ressources dans certaines entreprises bien particulières. Jusqu'ici, on disait à nos clients de ne pas se lancer dans cette direction, car le niveau de qualité des modèles actuels ne le permettait pas. Notre rôle de conseil, c'est justement de dire qu'il ne faut pas chercher à tout faire avec l'IA, et qu’il vaut parfois mieux attendre plutôt que de se lancer trop vite dans des cas d'usage complexes.
C'est la même chose pour les questions d'éthique et de confidentialité des données. De nombreux projets peuvent s’appuyer uniquement sur de la donnée publique. Par exemple, lorsqu’on parle de suggestions d'activités à faire à Marseille, on utilise des données publiques. Par contre, les informations personnelles comme les noms, prénoms ou adresses email n’ont pas vocation à entrer dans les modèles d’IA. Nous recommandons donc des chartes de bonnes pratiques pour clarifier les cas d’usage appropriés, ceux à éviter, et ceux pour lesquels il vaut mieux attendre l’évolution des modèles.
Dans le secteur du tourisme, parmi les modèles de langage comme ChatGPT, Mistral ou Claude, y en a-t-il un que vous privilégiez ?
Oui. En fait, on a beaucoup travaillé avec Mistral et OpenAI, notamment quand on a lancé Marianne avec Atout France sur France.fr. L’objectif de Marianne était de créer des itinéraires d’activités en fonction des questions posées par les utilisateurs. Pour cela, on s’appuyait sur les modèles de Mistral et d’OpenAI. Mais on a rencontré une limite avec Mistral : quand on lui demandait de fournir un itinéraire dans un format très précis, il respectait rarement les consignes.
En fin de compte, tout dépend des cas d'usage. Chez nous, on est agnostiques vis-à-vis des modèles ; on utilise différents modèles en fonction des besoins spécifiques. Selon le cas d'usage, certains modèles sont plus adaptés que d’autres. Par exemple, pour le service client, il n'est pas forcément nécessaire d'utiliser GPT-4 ou GPT-o1 pour la plupart des questions courantes. Si l’on souhaite optimiser les coûts, on pourra recommander GPT-3.5, voire Mistral, selon les besoins.
L’essentiel est de tester chaque modèle et ensuite de choisir celui qui offre le meilleur compromis entre coût et qualité, en fonction du cas d’usage.
Et dans 5 ans…
Si tu te projettes dans 5 ans, les choses vont certainement encore s’accélérer, comment imagines-tu le futur du tourisme ?
Je suis d'accord, ça va aller très vite ! Le nouveau gouvernement a même annoncé un ministre ou un secrétaire d'État dédié à l'IA, alors que l'IA s'est démocratisée il y a à peine 2 ans4. C'est impressionnant de voir cette rapidité, surtout quand on compare au numérique : le premier ministre en charge du digital n'est arrivé qu'en 2009. Les délais sont donc beaucoup plus courts dans l'IA, même par rapport aux débuts du numérique.
Si je fais un parallèle avec l'impact du digital, dans le secteur du tourisme, on a vu les acteurs comme Booking et Airbnb arriver très vite et bouleverser tout le marché. Avec l'IA, il faut anticiper que l’ensemble de l'industrie sera transformé de la même manière, aussi bien pour l'expérience des voyageurs que pour celle des collaborateurs. Je pense qu'on ne visitera plus un site historique de la même manière. Par exemple, j'ai récemment utilisé ChatGPT pour visiter une cathédrale en Espagne : j'ai simplement pris une photo et lui ai demandé de me raconter des anecdotes sur le lieu. Ce n'est plus du tout la même expérience qu'avec un audioguide classique, identique pour tout le monde. J'ai même pu inventer des histoires pour ma fille, en personnalisant le contenu.
Très clairement, à mon avis, dans les 5 prochaines années, de nombreux usages vont être chamboulés. C'est difficile de prédire qui seront les "gagnants" de cette transformation, mais l'essentiel est que certains acteurs de l'écosystème prennent le virage rapidement pour orienter l'industrie dans la bonne direction. Ceux qui s'y engagent dès maintenant auront un rôle clé pour définir où nous serons dans 5 ans, et même dans 10 ans. L'enjeu est donc que les acteurs en place prennent ce virage maintenant, tout en gardant un œil sur les nouveaux entrants, pour que le tourisme puisse tirer le meilleur de l'IA – et seulement le meilleur.
Pour finir, j’aimerais en savoir un peu plus sur ton usage personnel de l’IA. Comment l’utilises-tu au quotidien et est-ce que tu t’en sers tous les jours ?
Oui, je l’utilise tous les jours, principalement à travers Perplexity. Mais en fin de compte, derrière Perplexity, c’est OpenAI. Au début, je n'étais pas convaincu, même si mes équipes m'en parlaient depuis plusieurs mois. J'avais du mal à imaginer que Google puisse être remplacé par autre chose. Puis un jour, j'ai eu une question à laquelle Google n’a pas pu répondre, alors j’ai essayé Perplexity… et depuis, je l’ai adopté.
Aujourd'hui, j’utilise beaucoup Perplexity, notamment pour la section "Discover", qui me permet de suivre l’actualité d’une manière complètement nouvelle. Ce que j'apprécie, c'est la profondeur avec laquelle il traite les sujets. Contrairement à la presse traditionnelle, qui aborde souvent les informations en surface, l’IA me permet d’acquérir une vraie connaissance sur des sujets de fond. C’est quelque chose que j’apprécie particulièrement.
Sur ChatGPT, je l’utilise surtout pour les fonctionnalités de génération de texte. Par exemple, avec les équipes, on a mis en place un assistant qu'on appelle "Elon", qui nous aide à rédiger des posts LinkedIn. Lorsqu'on trouve un article d'actualité intéressant, on lui demande de proposer une première version de post. Ce n’est jamais parfait à 100 %, mais il fait environ 80 % du travail, et ensuite on se concentre sur la relecture et l’amélioration pour les 20 % restants. Cela nous permet de gagner du temps pour des tâches relativement simples, mais chronophages.
Merci beaucoup à Erwan Simon d’avoir répondu à toutes ces questions avec sincérité et en nous partageant des cas d’usages très concrets 🙏
Quelques mots sur Erwan Simon
Erwan, ingénieur de formation, a travaillé pendant une dizaine d’années dans des grands groupes comme Areva et Cdiscount, où il a contribué à des projets d’innovation. En 2017, il décide de se lancer dans l’entrepreneuriat, d’abord en développant des solutions d’IA pour le e-commerce, axées sur la personnalisation des parcours clients. L’arrivée de ChatGPT en 2022 marque un tournant pour l’IA générative, et Erwan voit immédiatement le potentiel pour le secteur touristique. C’est ainsi qu’est née Genial – un nom qui reflète bien leur engagement à rendre l’IA générative accessible et utile, en collaboration étroite avec leurs clients.
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— Nicolas
Christophe Bergamini est le directeur de l’Office de Tourisme de Kaysersberg
LEI, Système d’Information Touristique de la destination Alsace
Skift Research fournit des rapports et analyses sur les tendances et innovations du secteur du voyage, aidant les professionnels à prendre des décisions stratégiques
Interview réalisée en septembre 2024
Interview très intéressante, merci pour le contenu :)
Merci pour ce commentaire et ces i god sur booking 👍🏻